Actu du 24/11/2025

Le 27 septembre 2025, l’Association de Sauvegarde de l’Oasis de Chenini (ASOC) a réuni à Gabès une large diversité d’acteurs locaux, régionaux et nationaux pour une journée consacrée à la bonne gouvernance de l’eau dans les systèmes oasiens.
Organisée dans le cadre des préparatifs du Sommet International Désertif’actions 2026, cette rencontre a permis de dresser un diagnostic partagé sur les pressions croissantes qui menacent les oasis tunisiennes, et de mettre en avant des solutions innovantes et durables pour renforcer leur résilience.
Réunissant agriculteurs, groupements de développement agricole (GDA), chercheurs, institutions publiques et associations, l’événement avait un objectif clair : mobiliser collectivement pour défendre un patrimoine naturel et culturel unique, désormais en première ligne face au changement climatique.
La journée, structurée en deux sessions (communications puis discussion collective), a permis de croiser expertise scientifique, savoirs traditionnels et retours d’expérience d’agriculteurs.
Les oasis tunisiennes : un patrimoine expose au changement climatique
L’ouverture de la journée a rappelé l’importance vitale des oasis dans le sud tunisien : rôle clé dans l’agriculture locale, réservoirs de biodiversité, régulateurs sociaux et économiques et espaces culturels hérités de siècles de gestion collective de l’eau.
Or, ces territoires sont aujourd’hui fragilisés par une série de pressions :
- sécheresse persistante ;
- salinisation accrue des eaux et des sols ;
- intrusion marine ;
- pompage excessif ;
- infrastructures hydrauliques vieillissantes ;
- désorganisation des circuits d’irrigation ; et
- inondations et hydromorphie liées à la variabilité climatique.
Les participants ont souligné combien la crise de l’eau est désormais au cœur des défis oasiens, avec des impacts directs sur la production agricole, la santé des palmiers dattiers, la fertilité des sols et la stabilité socio-économique des populations.
Présentations et communications : un panorama complet des enjeux
La matinée a été programmée autour de plusieurs présentations, destinées à illustrer un certain nombre de thèmes et enjeux liés au développement durable du territoire.
- Introduction au Sommet international Désertif’Actions 2026, rappelant les enjeux globaux de la lutte contre la désertification et la place centrale des oasis dans ces débats.
- Valorisation des eaux usées du zoo de l’oasis de Chenini, présentant un projet innovant de traitement et de réutilisation, susceptible d’offrir une ressource complémentaire durable.
- Simulation des réseaux hydrauliques romains, montrant comment l’héritage antique inspire des solutions modernes de gestion rationnelle de l’eau.
- Rôle du compost dans la fertilité des sols oasiens et la réduction de l’érosion.
- Diagnostic des réseaux d’irrigation : vieillissement, pertes, gestion, rôle crucial des GDA.
- Expériences des agriculteurs, mettant en lumière les innovations locales, mais aussi les difficultés quotidiennes.
Des solutions concrètes, adaptées et opérationnelles
La session d’échanges a permis d’identifier les risques prioritaires pour l’oasis de Chenini : inondation, hydromorphie, fluctuation d’approvisionnement en eau d’irrigation.
Les principales causes observées sont la variabilité climatique, pompage excessif, manque d’entretien, hausse de l’évapotranspiration, drainage insuffisant, engrais mal maîtrisés.
Les participants ont formulé une série de recommandations regroupées en quatre axes majeurs.
Gouvernance et participation :
- Assurer la participation active de tous les acteurs (agriculteurs, institutions, centres de recherche, associations et GDA).
- Adapter la gouvernance de l’eau au contexte spécifique de l’oasis, en tenant compte des particularités culturelles, sociales et territoriales.
- Promouvoir la gestion raisonnée de l’irrigation (intégration d’une fraction pour le lessivage), avec organisation des tours d’eau selon les besoins réels des cultures.
Infrastructures et gestion hydraulique :
- Construire des barrages de contrôle et mise en place d’installations d’évacuation des eaux de pluviales.
- Créer et entretenir un réseau de drainage efficace, géré par le GDA.
- Installer des piézomètres pour surveiller la nappe phréatique.
- Entretenir et moderniser les réseaux d’irrigation, en intégrant des techniques d’économie d’eau.
- Introduire l’énergie photovoltaïque pour un pompage durable et à moindre coût.
- Renforcer l’implication de l’État pour résoudre les problèmes liés aux services publics (SONED, ONAS, …).
Techniques agricoles et pratiques durables :
- Mettre en œuvre des pratiques d’irrigation efficaces, avec tarification incitative.
- Adapter l’irrigation aux besoins réels des cultures (débits de 0,5 à 0,75 l/s/ha).
- Introduire l’amendement sableux et gypseux pour les sols sodiques et améliorer les techniques culturales.
- Inciter les agriculteurs à pratiquer le sous-solage pour briser le sous-sol cimenté gypseux.
- Promouvoir l’utilisation du compost, la diversification des cultures, l’adoption de la fertilisation raisonnée et l’agro écologie.
- Privilégier les espèces locales et résistantes à la sècheresse.
- Valoriser les eaux usées traitées (source pérenne) pour l’irrigation d’où l’amélioration de l’accès à l’eau dans les zones touchées par la désertification.
Innovation et numérisation :
- Développer des outils numériques pour le suivi et la planification de l’eau dans l’écosystème oasien.
- Introduire des systèmes d’irrigation économes (goutte à goutte, pompe intelligentes, …).
- Former les acteurs à la collecte et à l’analyse des données.
Sensibilisation et renforcement des capacités :
- Sensibiliser les agriculteurs à l’économie de l’eau et à la lutte contre la désertification.
- Renforcer les capacités des agents du GDA en matière de gestion et de maintenance.
- Valoriser et diffuser les expériences locales réussies.
Un engagement collectif renouvelé en préparation de Désertif’actions 2026
La rencontre s’est conclue par l’adoption d’un communiqué final par les participants, au travers duquel ils :
- Réaffirment leur engagement à promouvoir une gouvernance durable et équitable de l’eau, reposant sur la transparence, la participation et la planification scientifique.
- S’engagent à renforcer la sensibilisation et l’éducation autour des enjeux liés à la désertification, afin d’impliquer les jeunes générations dans la préservation des oasis.
- Appellent les pouvoirs publics, les partenaires techniques et financiers à soutenir davantage les initiatives locales pour la gestion durable des ressources naturelles.
- Expriment leur volonté de contribuer activement aux travaux préparatoires du Forum Désertif’Action 2026, afin de faire entendre la voix des oasis tunisiennes et méditerranéennes dans les débats internationaux.
Cette journée marque ainsi une étape décisive pour la défense des oasis, espaces menacés mais porteurs d’avenir. Elle témoigne de la mobilisation grandissante des acteurs locaux pour protéger ces écosystèmes uniques, véritables remparts contre la désertification et symboles vivants de l’ingéniosité humaine face à l’aridité.
Retrouvez l’intégralité des recommandations dans le compte rendu complet de l’atelier.



